samedi 6 avril 2013

Episode 2 ou comment Zia a perdu de son caractère

ATTENTION !
Les extraits de la version japonaise de cet article ne sont pas tirés de la version originale diffusée en 1982 au Japon. Ils proviennent de la version japonaise de 1998 dont la bande son a été réenregistrée.
En ce qui concerne les extraits de cet article, il n'y a pas de différence notable entre les deux versions.



L'article de cette semaine est consacré à Zia.
Une fois n'est pas coutume, je vais commencer par une citation de Jean-Luc François, réalisateur des Mystérieuses Cités d'Or 2.
Il compare Zia de la série originale et Zia de de la suite :

"On la trouvait trop effacée. Puis qu'on essayait entre guillemets de supprimer son petit côté nunuche qu'elle pouvait avoir sur la première saison. Bon bin voilà, c'était une époque, c'était fait au Japon... La femme... [...] On avait vraiment envie que ce soit un personnage beaucoup plus moderne, une fille de maintenant, dynamique et qui se laisse pas faire."


Je me permet une petite parenthèse pour souligner le fait que Jean-Luc François reconnaît, à demi-mots, que la série originale a été écrite par des japonais.
C'est en contradiction avec les génériques français de la série originale et de sa suite, dans lequels on peut lire que Bernard Deyriès et Jean Chalopin ont écrit l'histoire (voir l'article sur mon blog).

Ceci dit, je ne suis pas d'accord avec le fond de son propos. Zia n'est pas une fille soumise ou nunuche. A de nombreuses reprises, elle montre qu'elle possède un fort caracatère et elle tient souvent tête à Mendoza. Elle se montre même parfois moins peureuse qu'Esteban.

Mais l'image de Zia n'est-elle pas faussée par son adaptation française ?

Pour illustrer ce que le personnage de Zia a perdu dans l'adaptation, je vous invite à regarder ce premier extrait de l'épisode 2 :



C'est la scène dans laquelle Zia a ses premières répliques et elle critique déjà Mendoza.

Dans la version originale japonaise, Zia déclare qu'elle mordra Mendoza la prochaine fois !
Ses propos montre qu'elle est une fille qui ne se laisse pas faire et qui peut se défendre elle-même.
Les scénaristes japonais ont pris ici le contre-pied des clichés. Traditionnellement, c'est le garçon qui promet la bagarre.
Ce qui est drôle est que la violence soudaine dont elle fait preuve surprend Esteban qui est effrayé.
Elle montre ainsi qu'elle peut être plus forte qu'un garçon.

La scène se finit par une promesse mutuelle de s'entraider.
Cette poignée de mains établit une relation égalitaire entre les deux personnages.
C'est l'égalité des sexes avant l'heure, ça plairait sans doute à Jean-Luc François.
  


Dans la version française, Zia ne promet plus d'être violent à l'encontre de Mendoza. Ainsi, elle passe d'une fille forte à une simple "langue de vipère".

De même, la fin de la scène a été changée. Esteban jure de protéger Zia. C'est le cliché du garçon qui doit protéger la fille.
On comprends mieux pourquoi dans un premier temps, les français ont changé le dialogue où elle dit qu'elle peut se défendre elle-même. Ils voulaient donner ce rôle de protecteur à Esteban.
Ainsi, l'égalité des sexes n'est plus de mise. On revient au traditionnel mythe du garçon qui est plus fort que la fille et qui doit la protéger.



Pour voir ce que le personnage de Zia a encore perdu dans l'adaptation, je vous invite à lancer ce deuxième extrait de l'épisode 2 :



Dans cette scène, Esteban apprend à Mendoza qu'un complot se trame contre lui. Zia réagit instinctivement en disant qu'elle n'aidera jamais les espagnols à trouver la cité d'or. Mendoza lui jette un regard. Zia le remarque et, effrayée, cache son médaillon.

Dans la version originale japonaise, Mendoza rappelle aux enfants qu'il leur a sauvé la vie comme pour dire qu'il est de leur côté. Scandalisé, Zia remet de suite à sa place le navigateur espagnol.
C'est une belle démonstration  de sa capacité à se rebeller. Elle provoque un adulte, et un homme beaucoup plus fort qu'elle, qui plus est !

Dans la version française, après le regard de Mendoza, Zia a été réduite au silence au profit d'Esteban qui pose une question. Ca donne l'impression qu'un simple regard peut faire taire la jeune fille et la soumettre.
Les français ont visiblement essayé de gommer au maximum le fort caractère de Zia, quitte à lui enlever des répliques.




Le personnage de Zia a subi le même traitement dans d'autres épisodes. Pour finir, je vous propose de regarder un autre exemple dans l'épisode 36 :



Dans cette scène, Metonaru (Menator en français) et Calmèque croient pouvoir capturer Esteban et Tao.

Dans la version japonaise originale, Zia n'a pas la capacité d'échapper aux Olmèques, mais elle n'en pense pas moins. En voix off, elle encourage avec détermination Esteban et Tao.
Face à une situation critique, elle montre ici qu'elle sait garder son sang-froid et son esprit combattif.

Dans la version française, c'est encore tout l'inverse. Zia craque et sanglote.

Les français restent dans leur logique conservatrice. Les filles sont des êtres fragiles et faibles, donc, face à une situation critique, elles ne peuvent que pleurer...




En adaptant la série, les français ont fait perdre à Zia son caractère fort. Le personnage est moins intéressant et moins moderne, comme le dit Jean-Luc François.

L'ironie dans l'histoire est que le réalisateur de la suite le reproche aux scénaristes japonais alors que ce sont les français chargés de l'adaptation qui sont en cause. Et il le fait en se basant sur le cliché de la femme japonaise. Ou comment combattre un cliché en utilisant un cliché...

6 commentaires:

  1. Une fois de plus, un article très intéressant.
    Il me permet de voir sous un angle nouveau un personnage que je trouvait très fade, voir insignifiant, relégué au rôle de faire valoir d'Esteban dans la version française. Il est vraiment dommage de ne pas pouvoir regarder cette série en version japonaise.

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  2. Merci. En français, Zia n'est pas non plus aidé par le doublage qui l’infantilise.

    Je regrette aussi que la version japonaise ne soit pas encore disponible en France, malgré les nombreuses éditions DVD de la série.
    Seuls les 6 premiers épisodes poseraient problème à cause des différences de montage entre la version japonaise et la version française.
    Ce n'est pas insurmontable, je pense...

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  3. Effectivement faire une édition dvd comportant la version japonaise et la version française en plaçant les 6 premiers épisodes dans leurs deux versions aurait été sans doute plus judicieux que de sortir des Bluray à l'image plus que douteuse!!!

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  4. +1

    J'achèterai direct' la version japonaise si les éditeurs la sortaient en Bluray.

    En tout cas, cet article est passionnant ! Il nous permet d'entrevoir les richesses insoupçonnées de la version originale, celle des véritables créateurs de la série. Merci !

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  5. J'adore ton analyse sur Zia: Effectivement, c'est une belle ironie de la part de BS que d'avoir souhaité une Zia moins "effacée"...alors qu'en fait, son caractère affirmé a juste été purement et simplement gommé par une traduction subjective...bravo pour l'ensemble de ton fastidieux travail de recherches!
    Mysterio.

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  6. Merci Mysterio.
    La bonne nouvelle, c'est que les réalisateurs français sont moins sexistes qu'avant.

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